Conférence sur des sujets sandbergiens – affiche, Société des Designers Typographiques du Canada, Frank Davies, 1962

Cette invitation a été réalisée pour une conférence sur le travail de Willem Sandberg (1897-1984), designer, conservateur de musée, directeur, et résistant néerlandais durant la Seconde Guerre mondiale. Mais le sujet abordé est l’importance de l'influence et de l'inspiration en typographie. Comme le souligne l'affiche, « la contribution continue de Sandberg consiste en la restauration de l'esprit et de l'érudition dans ce qui était devenu l'art mécanique de la typographie. »

Durant la période d’avant-garde des années 1920, Sandberg commence à concevoir des publications pour le Stedelijk Museum d’Amsterdam, s’inspirant du style libre et expérimental de ses contemporains Piet Zwart et Hendrik Nicolaas Werkman. Après 1945, il revient au Stedelijk en tant que directeur, où il exerce une influence marquante. Il simplifie les expositions et les panneaux explicatifs afin de les rendre plus accessibles et plus démocratiques.

Pendant les années de guerre, il a joué un rôle véritablement remarquable en cachant et en préservant des centaines de collections d'art et de design modernes, les sauvant de la destruction ou du vol sous l'occupation nazie. Il a également utilisé ses connaissances en design et en impression pour falsifier des documents permettant à des familles juives de fuir les Pays-Bas et d'échapper à l’internement.

La grande majuscule « S » en papier déchiré est un clin d'œil direct de Davies à un idiome clé sandbergien, basé sur la tradition de Stijl et sa préoccupation pour la géométrie et le minimalisme. Le style démontre l'esprit moderniste, repoussant les limites des formes de lettres romaines dans une interprétation libre de la tradition humaniste, tout en apportant un effet artisanal fait main à une production avant-gardiste surtout dominée par la machine durant les années 1920. Il démontre également la nature intrinsèquement abstraite de la typographie, utilisant les formes disjointes dans le rôle d'illustration. Comme Sandberg, Zwart, Theo van Doesburg et Piet Mondrian avant lui, ainsi que tous les autres noms néerlandais importants listés sur l'affiche, Davies échappe littéralement à la tradition typographique tout en montrant simultanément un respect pour celle-ci.

Bien sûr, pour Davies, un tel jeu stylistique procédait principalement d’un hommage à l’histoire, tout comme la conférence l'aurait été. Son désir de rompre avec le passé et son combat contre les préceptes établis, qui ont alimenté une grande partie de la typographie moderniste quarante ans plus tôt, est remplacé par une citation historique soigneusement documentée.

L'application évidente mais assez sophistiquée d'un style reconnaissable n'est pas destinée à être un manifeste de la nouvelle vague cherchant à surmonter l'ancien, mais une reconnaissance polie d'une dette envers le passé, un modernisme très modéré et canadien. Sans les référents historiques, politiques et culturels, de tels signes sont dépourvus de leurs racines et perdent en signification. Ayant abandonné sa volonté de rupture avec le passé, le modernisme se positionne ici, de manière ironique, en tant que source infinie d'influence visuelle et d'inspiration libre de droits dans notre présent postmoderne. – Brian Donnelly